La Fin des bourgeois paraît en 1892 chez Dentu à Paris, il est le troisième grand opus de Camille Lemonnier. Ce roman, scandaleux à plus d’un titre, sera rejeté par le journal L’Étoile belge, qui refusera de le donner en feuilletons à ses lecteurs pour d’évidentes raisons de convenance morale.
L’œuvre étonne Émile Verhaeren, dégoûte Van Lerberghe, dérange Albert Giraud, l’animateur de la Jeune
Belgique. En France, elle sera notamment taxée par Bernard Lazare d’être trop inspirée de Hugo, Zola ou Huysmans – ce qui ravive à l’encontre de Lemonnier le jugement de n’être au fond qu’un ersatz du naturalisme français – mais laissera Maurice Barrès admiratif des considérations sur la « psychologie des races » qui le sous-tendent.
La Fin des bourgeois met en scène une famille, les Rassenfosse, qui, bien que de très basse extraction à l’origine, est parvenue à se hisser au sommet de la fortune, à force de travail et de sacrifices investis dans la gestion d’un charbonnage nommé… Misère. Le roman dépeint la décadence progressive de chaque membre du clan Rassenfosse, dont la dernière génération est vouée à péricliter au fil des mésalliances et, plus encore, du fait de la corruption et des vices qui la rongent. Le portrait laisse éclater, dans une langue impitoyable de précision, la cruauté cynique et la perversion de toute une classe, livrée à l’hubris de son appétit insatiable et de ses ambitions.
Roman susceptible de nourrir toutes les polémiques, La Fin des bourgeois n’a plus fait l’objet, depuis sa sortie, d’une réédition fiable, qui mette en avant ses qualités comme ses faiblesses intrinsèques et le rende au jugement du lecteur d’aujourd’hui. Cette œuvre est de surcroît intéressante aux yeux du critique, car elle repose en effet la question, déjà souvent formulée à propos d’un Céline, de la possibilité de voir cohabiter, sous la plume d’un même écrivain, d’une part un style époustouflant de puissance et, d’autre part, des thèses ou des propos inadmissibles – en l’occurrence ici des charges antisémites qui versent dans la caricature grossière.
Strictement respectueuse de son édition originale, la présente mouture de La Fin des bourgeois, établie par Frédéric Saenen, offre de redécouvrir une œuvre qui constitue indéniablement un moment capital de l’histoire des Lettres. Il faut lire et relire Lemonnier.
Camille Lemonnier (1844-1913) est un écrivain belge particulièrement fécond. Ce Brabançon, fils d'un avocat wallon et d'une Flamande, vint à la littérature par le détour de la critique d'art. Il effectue ses études secondaires à l'Athénée Royal de Bruxelles.
En savoir plusRipple-marks (1976) est peut-être le plus grave des livres de Muno.
Les chapitres de cet essai, pourtant écrits à divers moments et dans des circonstances variées, sont reliés par un fil conducteur : un regard spirituel sur le monde, qui transcende les expressions poétiques singulières de chacun des auteurs étudiés. Un tel regard est aujourd’hui urgent et nécessaire, et la poésie est à même de le susciter. En effet, elle « offre un démenti calme, clair et ferme à ce qui verrouille le langage humain dans l’étroitesse du matérialisme, le mensonge du mercantilisme ou l’impasse du nihilisme » (Myriam Watthee-Delmotte).