Aujourd’hui maman est morte. J’ai reçu un coup de téléphone de ma sœur. J’ai demandé « À quelle heure ? ». Elle ne savait pas, elle a dit « dans la matinée ». C’était un dimanche comme tous les autres, nous étions sur le point de passer à table.
En vérité, je n’en eus, comme on dit, aucune prescience. Et pourtant, à mon insu, et, oserai-je le dire, à mon corps défendant, j’eus ce jour- là un éveil difficile ; toujours cette impression bizarre qui rendait mes réveils nauséeux et ralentissait mes gestes. Elle mourut, c’est un fait, tandis que je m’éveillais. Son agonie se mêla à mes rêves informes. Je m’extrayais des limbes, elle y entrait. Mieux que cela, elle mourut, quelle incroyable coïncidence, un douze octobre. Vous pourrez toujours me rétorquer : « Il n’y a pas de bon jour pour mourir », ou « tous les jours sont bons pour mourir », n’empêche, pour un Espagnol, le douze octobre n’est pas un jour comme les autres, c’est le jour de la Découverte, le jour de Christophe Colomb, la Fiesta nacional, le Jour de l’Hispanité. Allez mourir un 14 juillet, vous m’en direz des nouvelles ; les pétards, les feux d’artifice, les bals dans les rues
Elle avait pris sans le savoir un aller simple pour Sipango…
Annie Massacry est née à Saint-Denis-du-Sig en Algérie. Après des études de langue et civilisation espagnoles à la Sorbonne et une carrière de professeur, elle se consacre à l’écriture. Sa formation universitaire et son éclectisme la portent tout naturellement vers des styles et des univers littéraires multiples. Après l’épopée et la veine hispanique dans Nos vies sont des rivières (2015), le roman naturaliste à la française avec Les épopées tranquilles (2017), elle dévoile, avec Julio et moi (2019), une nouvelle facette de son talent : son style, brillant, rappelle les épistoliers du xviiie siècle. Elle publie ensuite Angola, entre les brumes de nos mémoires (2020), où son art de conteuse flirte avec Joyce, Faulkner et Borges. En 2023 elle nous tisse, avec À l’ombre des volcans, une intrigue policière surprenante. Et elle nous prouve aujourd’hui, avec Tandis qu’elle agonise, son fabuleux talent de nouvelliste. Il faut lire Annie Massacry !
En savoir plusRipple-marks (1976) est peut-être le plus grave des livres de Muno.
Les chapitres de cet essai, pourtant écrits à divers moments et dans des circonstances variées, sont reliés par un fil conducteur : un regard spirituel sur le monde, qui transcende les expressions poétiques singulières de chacun des auteurs étudiés. Un tel regard est aujourd’hui urgent et nécessaire, et la poésie est à même de le susciter. En effet, elle « offre un démenti calme, clair et ferme à ce qui verrouille le langage humain dans l’étroitesse du matérialisme, le mensonge du mercantilisme ou l’impasse du nihilisme » (Myriam Watthee-Delmotte).