Ripple-marks (1976) est peut-être le plus grave des livres de Muno. C’est sans doute pour cela qu’il est le plus « farce ». Son narrateur fétiche s’y retrouve, un petit homme effacé et triste, si proche des chapeaux melons de Magritte ou des longs manteaux de Folon, un monsieur qui prend tout naturellement la couleur grisaille, même face à une plage ensoleillée. C’est que le « je » de Ripple-marks (l’auteur s’identifie à lui sans mystère, le désignant ironiquement par « Muno ou l’aventure ») est en vacances et, par la même occasion, en vacance de tout. Il est face à la mer, c’est-à-dire, comme chacun de nous, face à la mort, mais se garde bien de faire un pas de plus. Il reste aux confins, sur la terrasse d’un appartement de villégiature et, de là-haut, en posture de guetteur, observe la plage, où se tracent les rides dans le sable, comme ses propres lignes sur le papier.
Jean Muno (1924-1988), pseudonyme de Robert Burniaux, est une des personnalités les plus attachantes des lettres belges du siècle dernier. Ses récits, qu’il s’agisse de nouvelles ou de romans, sont empreints d’un sens aigu de l’insolite et d’une dérision nourrie d’un humour raffiné qu’une révolte contenue rend d’autant plus mordant. Son œuvre très personnelle est jalonnée de romans au fantastique quotidien (L’homme qui s’efface, Le Joker, L’Hipparion) et de recueils de nouvelles magistrales (Histoires griffues, Histoires singulières qui lui valut le prix Rossel) qui font de lui un représentant majeur de l’école belge de l’étrange illustrée par Jean Ray, Thomas Owen ou Jean-Baptiste Baronian. Son œuvre recèle aussi le texte majeur qu’est Ripple-marks, plongée autobiographique d’une lucidité ironique, et la décapante Histoire exécrable d’un héros brabançon.
En savoir plusRipple-marks (1976) est peut-être le plus grave des livres de Muno.
Les chapitres de cet essai, pourtant écrits à divers moments et dans des circonstances variées, sont reliés par un fil conducteur : un regard spirituel sur le monde, qui transcende les expressions poétiques singulières de chacun des auteurs étudiés. Un tel regard est aujourd’hui urgent et nécessaire, et la poésie est à même de le susciter. En effet, elle « offre un démenti calme, clair et ferme à ce qui verrouille le langage humain dans l’étroitesse du matérialisme, le mensonge du mercantilisme ou l’impasse du nihilisme » (Myriam Watthee-Delmotte).