« J’ai vécu parmi des mots qui sentaient encore le carnage, la folie, la guerre, des mots que je mettais en mouvement pour les arracher aux champs de sang. Si je naquis le 7 octobre 1934 à Oldenburg, trois mois après la Nuit des Longs Couteaux, quelques jours après la création des Verfügungstruppen affiliées à la SS, je vis le jour le 14 mai 1970 lorsque nous libérâmes Andreas Baader. Le seul vrai baptême se sacre dans l’illégalité puisqu’il n’est aucune liberté possible dans l’espace de l’État. Ceux qui désavouent la révolution seront, par nous, désavoués. Entre eux et nous, le divorce prendra la forme d’un pistolet-mitrailleur MP5 en travers d’une étoile rouge. « Année zéro » ; « tous pour tous » en lieu et place d’« un ou de quelques-uns pour tous » ; « un se divise en deux »… Je viens de comprendre que la guérilla urbaine requiert l’invention de mathématiques nouvelles. L’homme à venir ne jaillira pas de l’arithmétique de nos pères. »
Véronique Bergen est philosophe, romancière et poète. Membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, elle a publié des romans, des fictions (notamment Icône H. Hélène de Troie?; Ulrike Meinhof?; Tous doivent être sauvés ou aucun?; Kaspar Hauser ou la phrase préférée du vent?; Janis Joplin. Voix noire sur fond blanc), des essais (entre autres Marie-Jo Lafontaine?; Barbarella. Une Space Oddity?; Fétichismes ; Luchino Visconti. Les promesses du crépuscule?; Horses de Patti Smith…).
Membre du comité de rédaction de la revue Lignes, elle collabore à diverses revues.
En savoir plusRipple-marks (1976) est peut-être le plus grave des livres de Muno.
Les chapitres de cet essai, pourtant écrits à divers moments et dans des circonstances variées, sont reliés par un fil conducteur : un regard spirituel sur le monde, qui transcende les expressions poétiques singulières de chacun des auteurs étudiés. Un tel regard est aujourd’hui urgent et nécessaire, et la poésie est à même de le susciter. En effet, elle « offre un démenti calme, clair et ferme à ce qui verrouille le langage humain dans l’étroitesse du matérialisme, le mensonge du mercantilisme ou l’impasse du nihilisme » (Myriam Watthee-Delmotte).