La nouvelle éponyme, Ceux d’en face, confronte deux manières de vivre, au sein d’une même classe sociale, à la différence de ce qui nous est présenté dans Laure, où l’héroïne était issue d’un milieu ouvrier, puisque son père était tailleur. Laure veut quitter son milieu pour se hisser à celui de la classe immédiatement supérieure, la petite bourgeoise. Ses efforts ne déboucheront que sur une tragédie.
Dans Ceux d’en face, le docteur Christophe fait déjà partie de la bonne société, par son métier de médecin et ses multiples connaissances, sauf que son extérieur est très (trop) négligé. Au lieu d’accepter les convenances de sa classe, comme le fait au contraire son ami le secrétaire, il préfère la fréquentation des gens simples, ceux du port, où il est toujours le bienvenu. En revanche, chez « ceux d’en face », il n’est appelé que lorsque l’autre médecin, le médecin régional, est occupé ailleurs.
Pourtant, au début, il ne se doute de rien, il croit que tout le monde est beau, bon et gentil. Surtout Sophie, la fille du maire, qui est en effet non seulement mignonne mais aussi serviable et altruiste. Quelques mots, une attitude bienveillante de sa part, et voilà le docteur Christophe amoureux. Sans réfléchir davantage, il s’imagine un monde, qu’il crée d’ailleurs de toutes pièces en aménageant la chambre et le salon où il vivrait bientôt avec sa Dulcinée, mais cet autre Don Quichotte enfermé dans un monde idéal, ce reiner Tor (ou pur Fou), ce Parcifal à la quête du Graal, retombera bien vite dans la triste réalité…
Storm a pratiqué ici un étonnant changement des perspectives qui lui a permis, d’une part, de démasquer l’hypocrisie de la société du beau monde, et d’autre part d’éviter de tomber dans le piège du sentimentalisme.
Né le 14 septembre 1817 à Husum, petite ville du Slesvig, alors danois, Hans Theodor Storm était le fils aîné de l’avocat Johan Casimir Storm et de Lucie Woldsen. Son père, jugeant que le niveau des études secondaires à Husum n’était pas suffisant, l’envoya terminer son parcours scolaire au célèbre Katarineum de Lübeck (que devraient fréquenter également, mais quelques décennies plus tard, les frères Heinrich et Thomas Mann). Grâce à son ami Ferdinand Röse, il s’initia à la littérature allemande moderne et se montra surtout impressionné par les Lieder de Heinrich Heine, les œuvres de Joseph von Eichendorff et le Faust de Goethe.
En savoir plusRipple-marks (1976) est peut-être le plus grave des livres de Muno.
Les chapitres de cet essai, pourtant écrits à divers moments et dans des circonstances variées, sont reliés par un fil conducteur : un regard spirituel sur le monde, qui transcende les expressions poétiques singulières de chacun des auteurs étudiés. Un tel regard est aujourd’hui urgent et nécessaire, et la poésie est à même de le susciter. En effet, elle « offre un démenti calme, clair et ferme à ce qui verrouille le langage humain dans l’étroitesse du matérialisme, le mensonge du mercantilisme ou l’impasse du nihilisme » (Myriam Watthee-Delmotte).