On ne range pas Blaise Cendrars parmi les penseurs. Il n’a pas la gueule de l’emploi. On ne voit guère de philosophie dans ses sautes d’humeur. Il ne bricole pas de montagnes russes pour la dialectique ni ne débite de susurrants traités de morale.
Ses lecteurs s’installent comme au spectacle. Ah ! les petits blancs, les cigarettes, des bagarres dans des bouges. Le boucanier fait le coup de poing, jongle avec l’eustache. Il chavire dans le roulis des ports, soutient Modigliani, soûl, dans les escaliers de Montmartre. Il raconte des histoires de montreur d’ours.
Mais, en termes lacaniens, Cendrars… « ça n’est pas ça »…
À Marseille, au Nain jaune, il détaille la patronne, mais sur le seuil du bar il scrute les étoiles. Il se tient près de Lucrèce. Il a des émois d’augure pour contempler la voûte céleste.
Maintenant que la biographie de l’affabulateur est établie, que des sherpas universitaires ont sondé les strates refoulées de l’œuvre, il est possible de présenter une synthèse de la création cendrarsienne. Blaise Cendrars, philosophe postmoderne révélera à des lecteurs, trop braqués sur les extravagances du casseur d’assiettes, et contrairement au décousu des apparences, une pensée philosophique d’une extrême cohérence. L’auteur décrit l’immersion de l’homme dans son environnement. Sa vision du monde préfigure les gouffres mis à jour par la science moderne. Ses analyses prémonitoires proclament le néant des grands récits, la ruine des idéologies, annoncent le postmodernisme. Salvatrice, son écriture relève déjà de l’intertextualité, et ses reportages du journalisme gonzo. Immergez-vous dans ce fleuve textuel dont tant d’éblouissantes pages restent ignorées !
Pour Étienne Bastiaenen, chroniqueur et essayiste, Blaise Cendrars est une vieille connaissance. En 1969 déjà, il soutient à l’Université de Louvain une thèse sur L’homme et le monde dans l’œuvre de Blaise Cendrars. En collaboration avec l’Association belge des Banques, il fonde et dirige la société Financial French & Communication qui organise des formations linguistiques dans le secteur financier. Il n’en délaisse pas pour autant son premier champ d’investigation et, dans des revues belges et françaises (La Revue générale, La Revue nouvelle, Europe…) il publie des études sur des auteurs contemporains tels Malraux, Duras, Sarraute, Gracq…
En savoir plusRipple-marks (1976) est peut-être le plus grave des livres de Muno.
Les chapitres de cet essai, pourtant écrits à divers moments et dans des circonstances variées, sont reliés par un fil conducteur : un regard spirituel sur le monde, qui transcende les expressions poétiques singulières de chacun des auteurs étudiés. Un tel regard est aujourd’hui urgent et nécessaire, et la poésie est à même de le susciter. En effet, elle « offre un démenti calme, clair et ferme à ce qui verrouille le langage humain dans l’étroitesse du matérialisme, le mensonge du mercantilisme ou l’impasse du nihilisme » (Myriam Watthee-Delmotte).